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1. Newton et la physiologie

La théorie de Newton concerne principalement le domaine de la physique. Toutefois, la dimension physiologique de la perception des couleurs est esquissée dans certaines des « Questions, Qui servent de Conclusion à tout l'Ouvrage » , à la fin du Traité d'optique [19] :
  • XII. « Les Rayons de Lumière venant à tomber sur le fond de l'œil, n'excitent-ils pas dans la Rétine des Vibrations qui, étant continuées le long des fibres solides des Nerfs optiques jusques dans le cerveau, causent la Sensation de la Veuë ?... ».

  • XIII. « Des Rayons de différentes espèces ne produisent-ils pas des vibrations de différentes grandeurs, lesquelles vibrations excitent, selon leurs grandeurs, des Sensations de différentes Couleurs, à peu près de la même manière que les vibrations ed l'Air causent, selon leurs différentes grandeurs, des sensations de différents Sons ?... ».

  • XIV. « L'Harmonie & la discordance des Couleurs, ne pourroient-elles pas venir des proportions des vibrations continuées jusque dans le Cerveau le long des fibres des Nerfs Optiques, comme l'harmonie et la dissonance des Sons viennent des proportions des vibrations de l'Air ? Car il y a certaines Couleurs qui regardées ensemble, assortissent fort bien, comme celles de l'Or & de l'Indigo ; & d'autres qui n'assortissent aucunement ensemble ».

  • XV. « Les Images des Objets vus des deux yeux, ne s'unissent-elles pas dans l'endroit où les Nerfs Optiques se rencontrent avant que d'entrer dans le Cerveau,... ».

  • XVI. « Si dans l'obscurité l'on presse le coin de l'Oeil avec le doigt, & qu'en même temps on tourne l'Oeil du côté opposé, on voit un Cercle de Couleurs fort semblables à celles qui paroissent dans les Plumes de la queuë d'un Paon... ».

  • XXIII. « La vision n'est-elle pas principalement produite par les vibrations de ce milieu*, excitées dans le fond de l'Oeil par les Rayons de Lumière, & continuées par les fibrilles solides, diaphanes, & uniformes des Nerfs Optiques jusqu'au lieu des Sensations ?... »..

    * Il s'agit de ce que Newton appelle le Milieu éthérée définit à la question XVIII par : « Ce milieu n'est-il pas excessivement plus rare & plus subtil que l'Air, & excessivement plus élastique & et plus actif ? Ne penetre-t-il pas facilement tous les Corps ? & par sa force élastique ne se répand-t-il point dans tous les Cieux ? ».

2. Young et la trivariance visuelle

Thomas Young (1773-1829), s'est autant illustré dans le domaine de la physiologie de la vision que dans celui de l'optique ondulatoire.

Pour expliquer la perception de la couleur, il suppose l'existence de trois types de détecteurs rétiniens. Il écrit en 1801 :

« Comme il est presque impossible de concevoir que chaque point sensible de la rétine contienne une infinité de particules capables chacune de vibrer à l'unisson avec une ondulation lumineuse déterminée, il devient nécessaire de supposer ce nombre limité, par exemple, à trois couleurs principales, rouge, jaune et bleu..., et chaque filament sensible du nerf peut consister en trois portions, une pour chaque couleur principale »  (cité par Y. Le Grand [15], p. 402 ).

Couleurs principales 1801

En 1807, à la suite des travaux de Wollaston, il changera ses couleurs principales en rouge, vert et violet.

Couleurs principales 1807

Ainsi Young apparaît comme l'inventeur de la notion de trichromie (ou trivariance de la couleur) et il déplace le champ d'investigation de ce phénomène du domaine de la physique à celui de la physiologie.

3. Les successeurs de Young

Grassmann (1809-1877), Maxwell (1831-1879), enfin Helmholtz (1821-1894) et d'autres (la liste serait fort longue, et pour plus de précisions, on se reportera au remarquable site consacré aux couleurs [25]) poursuivent dans la voie tracée par Young. Ils mettent en place les fondements de la colorimétrie, la science de la représentation de la couleur dans un espace à 2 ou 3 dimensions, et de sa mesure, qui jette des ponts entre le domaine de la physique des radiations et ceux de la physiologie et de la perception. Ainsi, de la détection de la variable chromatique dans la lumière complexe, à son son traitement jusqu'au cerveau, commencent à se préciser les différentes étapes qui relient une forme d'énergie à une sensation.

Toutefois, si la trivariance des stimuli était chose acquise au XIXe siècle, le mécanisme même de la détection des trois composantes d'un stimulus coloré était loin d'être connu.

De plus, comme le précise G.Ovio,

« avec cette théorie de Young-Helmholtz on peut expliquer facilement de nombreux phénomènes de la vision chromatique, mais pas tous cependant. Alors qu'elle donne une explication facile des communes cécités pour les couleurs, elle n'explique pas les phénomènes de contraste, ou du moins, elle oblige pour les expliquer à supposer un substratum de fatigue, et donc un état anormal, alors que tout fait croire qu'il s'agit de faits normaux et parfaitement physiologiques » [20], p.312.

Après les physiciens et médecins qui avaient donc fait progresser de façon importante les connaissances sur le phénomène de la couleur, un psychologue, Hering, allait en 1872 développer une théorie radicalement nouvelle et apparemment contradictoire avec celle de Young.

4. Hering (1834-1918)

Après avoir étudié les phénomènes de persistance des images rétiniennes et de contraste (simultané et consécutif), il propose vers 1872 la théorie des trois couples antagonistes :
  • blanc-noir,
  • jaune-bleu
  • rouge-vert.
À ces couples correspondraient trois substances visuelles fonctionnant sur des mécanismes d'assimilation et de désassimilation.

L'assimilation, liée à une action catabolique de la lumière, donnerait sur les substances associées, les sensations chaudes de blanc, de jaune et de rouge, et la désassimilation, liée à une action anabolique, les sensations froides de noir, bleu et vert [15], p. 428.

On notera que la confusion entre synthèse additive des couleurs et synthèse soustractive a subsisté jusqu'à Helmholtz et Maxwell, c'est-à-dire jusqu'à la moitié du XIXe siècle.

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