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L'étude de la couleur a passionné le jeune Newton. Dans les années 1665-1666 (il a alors 23-24 ans), ses principales idées sur la question se mettent déjà en place. Elles le conduiront à deux contributions fondamentales dans ce domaine sur :
  1. l'analyse et la synthèse de la lumière blanche à l'aide de prismes ;
  2. les interférences en lumière blanche produites par des lames minces (anneaux obtenus sur une lame d'air définie entre un dioptre sphérique et un dioptre plan).

Une grande qualité de Newton fut son talent d'expérimentateur. Dans l'Opticks (Traité d'Optique), paru en 1704*, il ne décrit précisément pas moins de trente expériences avec prismes et lentilles. Parmi celles-ci, l'« experimentum crucis » (expérience cruciale ou expérience fondatrice).



* On dit que Newton différa la publication de ses travaux d'optique - dont certains dataient d'une quarantaine d'années -, car il attendait la mort de Hooke, avec qui il avait eu diverses controverses, et qui était l'un de ses « rivaux » dans le domaine de l'optique.



1. Une expérience cruciale

Le terme d' « experimentum crucis » apparaît dans la lettre à Oldenburg (secrétaire de la Royal Society) du début de l'année 1672, lettre où Newton expose sa théorie de la couleur en décrivant un certain nombre d'expériences et d'observations.

Cette lettre présentée en annexe du livre de Michel Blay [1] est un véritable régal : avis aux amateurs !

Dans l'Opticks de 1704 [19], le terme d' « experimentum crucis » n'apparaît plus. La sixième expérience de la première partie du livre premier ressemble à celle décrite plus haut, à une exception près : le second prisme a la même orientation de base que le premier, ce qui n'était pas le cas dans la lettre à Oldenburg.

Le changement d'orientation du second prisme ne modifie en rien les résultats. Il donne seulement un montage linéaire ou coudé, selon que les déviations de la lumière par les prismes se retranchent ou s'additionnent.



experimentum crucis

La lumière solaire entre par une ouverture dans le fenêtre F.
La rotation du prisme ABC autour de son arête C, permet de sélectionner un pinceau qui, délimité par les ouvertures circulaires des planches DE et de, arrive sur le prisme abc avec une incidence constante. Ce dernier prisme, fixe, réfracte différemment les lumières extrêmes du spectre obtenu sur la planche DE.


expérience 6/1

expérience 6/2

expérience 6/3

triangle propositions 1 et 2


expérience 6/4

2. L'hétérogénéité de la lumière blanche

De ses multiples expériences, Newton déduit l'hétérogénéité de la lumière blanche. Cette conclusion s'oppose aux anciennes théories qui considéraient comme éléments premiers et simples, la lumière et les ténèbres, et interprétaient les couleurs comme éléments seconds et complexes, résultant de l'interaction des deux premiers.

L'expérimentation newtonienne sera rejetée par certains milieux scientifiques ou parascientifiques. Même un siècle plus tard, les théories développées par Goethe (voir chapitre suivant), et reprises par Schopenhauer et Rudolf Steiner, contesteront cette approche des phénomènes, prétextant que violence est faite à la nature - anthropomorphisée de la sorte - : comme si une ouverture dans une planche (un diaphragme circulaire) étranglait (ou garrottait) le faisceau de lumière solaire naturelle qui le traversait ! Pourtant, dans les expériences de Goethe, le faisceau est doublement diaphragmé : par le prisme, puis par la pupille de l'oeil ; la violence est toujours là.

En réalité, si la théorie corpusculaire de Newton fut largement balayée au XIXe siècle, par la théorie ondulatoire (Young et Fresnel entre autres) [17, 21], sa théorie de l'hétérogénéité de la lumière blanche est restée toujours valable.

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