De quoi en perdre la boule !

« Zénon ! Cruel Zénon... »
Paul Valéry (le cimetière marin)

Se munir au préalable d'une feuille et d'un crayon.

  1. Prenons une boule de verre : sphère de rayon R, positif, et d'indice de réfraction n.
  2. Choisissons un axe passant par son centre C. Appelons-le axe optique.
  3. Un rayon intermédiaire (i) passant par C est perpendiculaire a chacun des dioptres (air-verre et verre-air). Il n'est pas dévié.
  4. Les rayons objet (o) et image (ii) correspondants sont dans le prolongement l'un de l'autre.
  5. Ils forment avec l'axe optique des angles alpha et alphaprime égaux : les points nodaux de la boule N et N' (points de l'axe optique conjugués, avec un grandissement angulaire égal à + 1) sont donc confondus avec C.
  6. Plaçons-nous dans l'approximation de Gauss (rayons faiblement inclinés par rapport à l'axe optique et arrivant sur les dioptres avec de faibles incidences). La relation de Lagrange-Helmholtz peut être appliquée aux points nodaux. Elle se simplifie alors doublement, du fait de l'égalité des indices extrêmes (indice de l'air en l'occurence), et de l'égalité de alpha et alphaprime.
  7. On en déduit l'égalité de la taille de l'objet et de celle de l'image et, en conséquence, la confusion des points principaux H et H' (points de l'axe optique conjugués avec un grandissement transversal égal à + 1) avec C.
  8. L'application de la première formule de Gullstrand donne une vergence de la boule égale à
    D1 + D2 - e.D1.D2/n avec D1 = D2 = (n - 1)/R et e = 2R.
  9. D'où l'on déduit D = 2(n - 1)/(n.R) et f ' = n.R/(2(n - 1))
  10. Si n = 1,5, alors D = 2/(3R) et f ' = 1,5 R.
  11. Comme les points principaux et nodaux sont confondus, la boule est équivalente à une lentille mince convergente, placée en C et de même axe optique que la boule.

    REMarque

    On aurait pu aussi considérer deux points quelconques sur l'axe optique, A et A', conjugués par rapport à la boule, et donnant une image intermédiaire A1.
    L'addition des deux relations de conjugaison A --> A1 et A --> A', avec origine au centre de courbure C commun aux deux dioptres, permet en effet d'éliminer A1 :
    [ 1/CA1 - n/CA = (1 - n)/(- R) ] + [ n/CA' - 1/CA1 = (n - 1)/R ] = n/CA' - n/CA = 2(n - 1)/R
    Quand A tend vers l'infini, n/CA tend vers zéro.
    On obtient ainsi la position du foyer image de la boule CF'.
    n/CF' - 0 = 2(n - 1)/R
    Et comme C est confondu avec H', on en déduit la distance focale image f ' de la boule.
    CF' = H'F' = f ' = n.R/(2(n - 1))


  12. Considérons maintenant une boule de verre creuse définie par ses deux rayons de courbure R, r, et son indice de réfraction n.
  13. Un rayon réfracté au voisinage de l'axe optique rencontre quatre dioptres, deux à deux symétriques par rapport au centre C de la boule.
  14. Les deux premiers dioptres forment un ménisque (12) de vergence :
    D12 = D1 + D2 - e.D1D2/n avec D1 = (n-1)/R, D2 = (1 - n)/r et e = R - r
  15. On en tire D12 = (n - 1)(r - R)/(n.r.R)
  16. Les points nodaux et principaux de ce ménisque sont confondus avec C, pour la même raison qu'au 3)...7)
  17. Par symétrie, le ménisque (34) formé par les deux derniers dioptres a même vergence et mêmes points nodaux et principaux que le ménisque (12) :
    D12 = D34 et H'1 = H2 = C --> H'1H2 = 0
  18. Comme l'interstice H'1H2 entre les deux ménisques est nul,
    D = D12 + D34 = 2(n - 1)(r - R)/(n.r.R) et f ' = n.r.R/(2(n - 1)(r - R))
  19. Dans l'expression de la vergence, tous les termes sont positifs sauf (r - R ) qui est négatif.
    La vergence est donc négative et la boule creuse est divergente.
  20. La boule creuse est équivalente à une lentille mince divergente, placée en C et de même axe optique que la boule.
  21. Une boule creuse (R,r) est divergente.
    Elle est équivalente à une lentille mince divergente L placée en C, de vergence D <0.
  22. Plaçons dans le creux de cette boule une deuxième boule creuse (r,r'),
    équivalente à une lentille mince divergente L' placée en C, de vergence D'<0.
  23. Les lentilles L et L' sont accolées. Leurs vergences s'additionnent : D + D' <0.
    Le système est divergent.
  24. Recommençons l'opération jusqu'à l'infini.
  25. Le système tend vers la boule pleine, mais sa vergence, somme de vergences négatives, reste négative.
  26. Pour préciser ce résultat reprenons la vergence de la boule creuse :
    D = 2(n - 1)(r - R)/(n.r.R) et faisons tendre r vers zéro.
  27. Le numérateur tend vers 2(n - 1)(- R) qui est fini, et le dénominateur vers 0+.
  28. En conséquence D tend vers moins l'infini !
  29. Une autre façon de procéder, est de considérer la série des boules creuses emboîtées définies dans le tableau ci-dessous :
sphère n° 1er rayon 2ème rayon Vergence
1 R R/2 (1 - n)/nR
2 R/2 R/4 2(1 - n)/nR
... ... ... ...
k R/2(k - 1) R/2k 2(k - 1)(1 - n)/nR
  1. La vergence des k boules emboîtées est :
    D1 k = S1k 2(k-1)(1 - n)/nR = [(1 - n)/nR].S1 k 2(k - 1) = 2k[(1 - n)/nR].
    Le facteur entre crochets est négatif et fini ; le 2k tend vers plus l'infini avec k. On retrouve le résultat précédent.

Paradoxe

Une boule creuse, dont le rayon interne r tend vers zéro, a une vergence qui tend vers moins l'infini.

Une boule pleine est donc infiniment divergente !


  1. Pour lever le paradoxe, il faut remplacer la sphère d'air à l'intérieur de la boule creuse par une sphère de verre.
  2. Les vergences de ces lentilles s'additionnent :
    D = Ddv + Dcv = 2(n - 1)(r - R)/(n.r.R) + 2(n - 1)/(n.r), soit
    D = 2(n - 1)/(n.R) > 0, bien évidemment !
  3. Si l'on raisonne par passage à la limite en faisant tendre r vers 0+, on trouve la forme indéterminée (l'infini moins l'infini).
  4. Une autre approche consisterait à introduire l'approximation de Gauss : plus la sphère d'air tend vers zéro, et plus les rayons qui la traversent doivent être voisins de l'axe optique afin de respecter les deux conditions de Gauss : rayons proche de l'axe, et tombant sur les dioptres avec de faibles angles d'incidence.
  5. On retrouve d'une façon ou d'une autre les raisonnements à la base des célèbres paradoxes énoncés par Zenon d'Elée (né vers 500 avant J.C., ami et disciple du philosophe Parménide), comme celui d'Achille et de la tortue :
    Achille veut rattraper une tortue qui marche devant lui. Il met un certain temps pour parcourir la distance qui le sépare de la tortue. Mais pendant ce temps là, la tortue a continué à avancer, et il ne l'a pas rejointe ; et ainsi de suite... Achille ne pourra jamais rattraper la tortue !


« Zénon ! Cruel Zénon ! Zénon d'Élée !
M'as-tu percé de cette flèche ailée
Qui vibre, vole, et qui ne vole pas !
Le son m'enfante et la flèche me tue !
Ah ! le soleil... Quelle ombre de tortue
Pour l'âme, Achille immobile à grands pas ! »


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